jeudi 2 mars 2017

Avec "À la fin sera l'écrit", Rouille continue de narguer le temps.



Je me souviens de ce Mercredi 1er Juillet 2015, ce jour de chaleur moite, éprouvante pour nos carcasses con-scientes. J'étais descendu de Paris depuis la veille pour assister au concert de ce groupe qui n'y avait pas pu trouver de plan pour jouer. Tous les lieux de concerts étaient alors occupés, et y'en a pas beaucoup... Les lieux alternatifs se font trop rare maintenant dans une capitale vendue au capital. Mais tant mieux, je suis allé chercher la lumière en dehors d'une ville où elle ne brille plus depuis longtemps. Ah, il a bon dos Charlie...

Je me suis rendu à Bordeaux, pour assister au concert d'un groupe qui allait me raconter ce que je vis au quotidien dans ma banlieue et à Paris. Dans un lieu qui lie salle de concert et activisme punk, avec une librairie où il est possible de trouver moult ouvrages anarchistes, révolutionnaires, situationnistes. Ce lieu, c'est l'Athénée Libertaire, un bastion révolté étouffé dans un recoin sombre des rues lumineuses et spacieuses d'un Bordeaux qui enivre ses habitant.e.s d'une euphorie en trompe-l’œil. Moi-même je me fais avoir, je préfère cette ville à Paris. C'est plus chaleureux. Mais le public était le même. On vient voir les copains-copines, on reste pas jusqu'au bout. Mais qu'importe pour eux, Rouille a donné une leçon de vie, d'engagement, de conviction, à celles et ceux qui ont bien voulu les écouter. Ces gars sont là depuis longtemps, presque aussi longtemps que je suis né pour certains, et pourtant ils sont encore là, la rage intacte, mais avec une rouille qui elle ne vieillit pas : elle ne fait que grandir et grossir autour de nous, elle nous dévore, elle évoque le temps qui passe, son poids sur nous, l'usure qui se répand sur notre peau, dans nos os. Je vous renvoie à ce texte rédigé sur la page Bandcamp de leur premier album, On Tue Ici, tout est dit. Et c'est ce thème qui inspire les garçons de Zaragoza depuis leur premier disque, sorti avec une certaine discrétion en 2014. Dans sa production plus que moyenne, j'y trouvais une cohérence avec l'ambiance et le contexte des morceaux. Avec ce ton sec, cette prose résignée.

On aurait pu croire que ce disque aurait été un témoignage éphémère d'anciens du punk qui croiraient encore à des convictions de jeunesse que beaucoup de quadras ont déjà enterrée depuis trop longtemps (cette plaie de se résigner à oublier ses idéaux parce qu’à ce qui paraît, c'est ça vieillir… C'est tellement triste), enregistré par nostalgie, par chance d’avoir un peu de temps libre. Mais non, ces garçons-là n’ont rien perdu de leur envie, leurs convictions, leur passion : les voici de retour avec À la fin sera l’écrit, un disque à la production beaucoup plus travaillée que le précédent, qui était bien mocrave, comme me l’avait confié Gérome par mail, à l'époque.  Mais le contexte reste tout aussi grave, inquiet, plombant.  La recette qui faisait l’ambiance d’On Tue Ici est réutilisée, avec un peu plus de nuances musicales. Des reflets post-punk, surtout sur « Contrôleurs de Contrôleurs » (qui contient un magnifique passage déclamé en basque par Karlos du groupe Lisabö, un groupe de post-hardcore espagnol actif depuis 1998, où il chante exclusivement dans cette langue), une influence post-rock un peu plus présente encore, notamment sur « Un lieu dit perdu », qui inspire des émotions bien plus joyeuses et élévatrices via ces riffs lumineux. Un ensemble qui respire fort ces disques de post-hardcore moody des années 90, où l’on cherchait constamment comment exprimer la colère, l’émotion, le changement, qu’il soit musical, humain, animal. Un petit effet de guitare qui fait penser à un instrument à vent apporte quelque chose de mélancolique et de réconfortant, sur l'outro du titre éponyme, c'est ce genre de petits apports mélodiques qui donne une sensibilité et une profondeur supplémentaire à ce LP. Et puis, il y a ce gros instant sing-along qui réside en le refrain d’« Un air de pisse ». « Des bars ont une haleine fétide, un air de pisse qu’on s’empresse d’habiter, peut-être pour se dire qu’en sortant ce sera forcément un peu mieux ». Il me tarde de les revoir en live pour vivre l'instant pour de vrai.

Et toujours, ces tournures de mots, ces images, cette plume. Celle qui m’a tellement influencé lorsque j'ai découvert toute la scène punk, l’emo, tout ces milieux. Elle est encore là. Un peu plus simplifiée, mais toujours vive, piquante. « On est encore un peu tendre, entendre se faire le cuir, enduire la peau reste à enduire, à tout rompre, la rupture sert de futur ». Chantée d’une voix toujours aussi perçante et graveleuse, mais plus éraillée : on n’arrête pas la rouille. Mais on peut s’en servir. C'est ce que font ces messieurs avec habileté.

Je suis obligé de citer ces mots de "Radio Paris", clin d’œil cinglant à la (f)rance, qui en dit tellement long sur la situation actuelle du pays : « Radio Paris tend à revenir hanter les salons élégants, les salauds et les temps. Radio Paris tend, Radio Paris ment, Radio Paris est tellement prompt à servir le thé et la même chanson ».

Bisous.





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ENGLISH TRANSLATION :

I remember Wednesday 1 July 2015, that day of moist heat, challenging for our carcasses. I had been out of Paris since yesterday to attend the concert of this band which couldn't find a plan to play there. All the concert venues were busy, and there are not much... Alternative venues are too rare now in a capital that is sold to the capital. But it was an argument to fetch the light outside a city where it doesn't shine for a long time.

I went to Bordeaux to attend the concert of a group that always tell me what I see daily in my suburbs and in Paris. In a place that links a gig place and punk activism, with a bookstore where it's possible to find a lot of anarchist, revolutionary, situationist works. This place is the "Athénée Libertaire", a revolted bastion, smothered in a dark corner of the light and spacious streets of a Bordeaux that intoxicates its inhabitants with a euphoria in trompe-l'oeil. I was trapped myself, I prefer this city to Paris. It's a bit more human. But the public was the same; we come to see the friends, we don't stay until the end. But it doesn't matter to Rouille: they gave us a lesson of life, commitment and conviction to those who were willing to listen to them. These guys have been there for a long time, almost as long as I was born for some, and yet they are still there, the rage intact, but with a rust that doesn't age: it only grows and grows around us, devour us, it evokes the passing time, its weight on us, the wear and tear that spreads on our skin, in our bones. I refer you to this text written on the Bandcamp page of their first album, On tue ici, everything is said on it. And it's this theme that inspires the boys of Zaragoza since their first record, released with a certain discretion in 2014. In its more than average production, I found there a consistency with the atmosphere and context of the songs. With that dry tone, that resigned prose.

We could have thought that thisr record would have been an ephemeral testimony of punk elders who still believed in youthful convictions that many fourties have already buried for too long (this plague to resign oneself to forgetting its ideals because hey, we're getting old... It's so sad), recorded by nostalgia, by chance to have some free time. But no, these boys have lost nothing of their envy, their convictions, their passion: they are back with À la fin sera l'écrit, a record with benefits of a much more worked production than the previous one, which was super meh. But the context remains equally grave, worried, lead. The recipe that made the atmosphere of On tue ici is reused, with a little more musical nuances. Post-punk reflections, especially on "Contrôleurs de contrôleurs" (which contains a wonderful passage in Basque by Karlos from Lisabö, a Spanish post-hardcore band active since 1998, where he sings exclusively in this language), an influence Post-rock a little more present, especially on "Un lieu dit perdu", which inspires much more joyful and elevating emotions via these bright riffs. A lot of things that reminds these moody post-hardcore records of the 90s, where bands were always searching how to express anger, emotion, change, be it musical, human, animal. A little guitar effect that reminds a wind instrument brings something melancholic and comforting, on the outro of the eponymous song, it's this kind of small melodic contributions that gives an additional depth and sensibility to this LP And there's a big sing-along moment that resides in the chorus of "Un air de pisse". « Des bars ont une haleine fétide, un air de pisse qu’on s’empresse d’habiter, peut-être pour se dire qu’en sortant ce sera forcément un peu mieux ». Can't wait to see them live again to live the moment for real.

And always, these play on words, these images. These ones that influenced me so much when I discovered the whole punk scene, emo, all these scenes. She's still there. A little more simplified, but always lively, spicy. « On est encore un peu tendre, entendre se faire le cuir, enduire la peau reste à enduire, à tout rompre, la rupture sert de futur ». Sung in a voice still piercing and gritty, but more ragged: we can't stop the rust. But we can use it. That is what these gentlemen do with greatness.

I am obliged to quote the words "Radio Paris", a nod to (f) rance, which speaks so much about the current situation of the country: « Radio Paris tend à revenir hanter les salons élégants, les salauds et les temps. Radio Paris tend, Radio Paris ment, Radio Paris est tellement prompt à servir le thé et la même chanson ».

XOXO.

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